Quand aura lieu la nouvelle crise financière de grande ampleur ? Onze ans après la crise des subprimes qui a frappé l’économie mondiale dans son ensemble, les spécialistes de l’économie, quels que soient leur école de pensée, s’accordent tous pour anticiper une future crise mondiale. Seulement, les raisons évoquées divergent et chacun se fait sa propre idée du scénario qui se déroulera à court ou moyen terme.
Si les crises proviennent toujours de causes différentes, elles ont en commun un facteur capital : il y a toujours un agent économique important qui perd sa solvabilité et qui ne peut donc plus dépenser. En 1998, ce furent les pays émergents, en 2000, les entreprises, et en 2008 les ménages américains. A priori, la crise financière ne proviendra pas cette fois-ci de la dette privée, comme lors des subprimes. Cette dette se contracte, aidée, il faut bien l’avouer, par le précédent de 2008, encore frais dans les esprits.
Michael Burry refait parler de lui
Les Etats-Unis pourraient-ils être de nouveau la source d’une crise généralisée ? Les Américains ont un endettement public très conséquent et une dette extérieure énorme mais le dollar reste la monnaie de réserve à l’échelle mondiale : les déficits des Etats-Unis se comblent donc par la demande de dollars dans le reste du monde, surtout qu’aucune monnaie n’ambitionne d’être monnaie de réserve aujourd’hui. Le contexte politique pèse aussi : il est peu probable de voir une crise survenir avant 2020, surtout que Donald Trump, candidat à sa propre réélection à la présidence, ne peut pas se le permettre.
Un spécialiste américain se veut moins serein et son expérience récente le rend crédible : Michael Burry, l’homme qui avait vu venir la crise des subprimes et rendu célèbre par le film « The Big Short », affirme avoir trouvé la nouvelle bulle qui explosera. Selon lui, il s’agit des fonds négociés en Bourse (ETF en anglais), qui correspondent à la gestion passive. Ces véhicules passifs, répliques d’actifs, ne seraient pas tous capables d’absorber une inversion du marché car ils ne possèdent pas assez de liquidités. Les ETF sont de plus en plus nombreux, (comme l’avaient été les CDO lors de la crise immobilière de 2008) et la bulle spéculative est en train de gonfler jusqu’au moment où elle pourrait exploser.
La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ne sera quant à elle pas une cause de crise mondiale selon la majorité des spécialistes qui estiment que ce ne sont pas les quelques milliards d’euros causés par l’augmentation des tarifs douaniers qui vont mettre en danger l’économie de l’un ou de l’autre géant.
Les pays émergents plutôt que la Chine ou l’Europe ?
La dette intérieure chinoise est souvent pointée du doigt par les économistes car c’est une cocotte-minute. En effet il y a en Chine énormément d’épargne mais la sortie des capitaux est extrêmement limitée, ce qui laisse l’épargne confinée au sein du territoire. L’empire du Milieu étant globalement solvable, elle semble immunisée, d’autant que sa dette intérieure est compensée par son épargne. Sa bulle immobilière est aussi régulièrement régulée par les autorités qui établissent des mécanismes de façon à ce que les tribulations du marché n’impactent pas sur l’économie.
Au contraire de la bulle immobilière dans la zone euro qui est en train d’exploser et qui pourrait devenir une source de problèmes. Ces dernières années, on assiste à une augmentation de 60 % des prix d’achat des maisons privées et de 41 % des immeubles commerciaux. Les loyers ne suivent pas cette courbe, les rendements sont donc plus faibles et impactent sur les capacités de remboursement. Cela pèse ainsi sur les banques et assureurs de crédits.
Une crise de la zone euro pourrait donc être à l’origine d’un désastre de grande ampleur. Mais depuis 2008, l’UE met en place des mécanismes de régulation qui contraignent énormément les banques pour ne pas rééditer une nouvelle catastrophe. Les taux d’intérêt restent bas, ce qui permet de stabiliser les économies les plus précaires en leur garantissant de conserver leur solvabilité. Toutefois il faut être prudent avec les risques d’inflation même s’ils sont aujourd’hui faibles. Car un tel scénario provoquerait automatiquement une hausse des taux d’intérêt et donc une perte de solvabilité pour les plus fragiles, avec les conséquences que l’on connaît.
Les regards se tournent aussi vers d’autres agents économiques importants : les pays émergents, parmi lesquels l’Argentine, le Brésil, l’Afrique du Sud ou encore la Turquie. Continuellement en crise depuis vingt-cinq ans, en manque d’épargne, ils pourraient, en cas de cessation de paiement, créer de forts déséquilibres. Une crise qui ne devrait toutefois pas avoir de répercussions sur les pays occidentaux mais qui devrait impacter encore une fois de manière violente des populations locales déjà essoufflées.