Le 24 juillet dernier, la Commission européenne proposait de plafonner les frais que les banques se facturent entre elles lors des paiements effectués par l’intermédiaire des cartes bancaires. Ces frais se répercutent par effet de ricochet sur le consommateur final lorsque celui-ci passe à la caisse. L’objectif affiché est d’harmoniser les législations nationales en la matière et au final de soulager le portefeuille du consommateur. Cette proposition a entraîné une levée de bouclier de la compagnie américaine Mastercard. Analyse.
Les commissions multilatérales d’interchange (CMI), voici le sujet de la discorde entre Bruxelles et Mastercard. Il s’agit des frais que les banques s’appliquent entre elles lors de paiements par carte bancaire. Les CMI peuvent atteindre presque 2 % selon les pays et sont payées par la banque du commerçant à celle de l’acheteur lors d’une transaction réglée par carte de crédit ou de débit.
Ces frais sont ensuite répercutés sur le commerçant qui lui-même les impute sur le prix de vente de ses produits. Et c’est le consommateur final qui trinque, qu’il utilise sa carte bancaire ou tout autre moyen de paiement pour payer ses achats.
Une facture allégée pour le consommateur
La Commission européenne emmenée par Michel Barnier (commissaire au marché intérieur et aux services) et Joaquin Almunia (commissaire à la concurrence) est bien décidée à alléger des « coûts injustifiés » la facture payée par les consommateurs. En effet, un plafonnement des CMI à 0,2 % pour les cartes de débit et 0,3 % pour les cartes de crédit permettrait de faire économiser 6 milliards d’euros aux commerçants et par voie de conséquence d’alléger de 730 millions d’euros les frais pour les consommateurs, économie non négligeable. Cette nouvelle proposition législative a pour vocation à s’appliquer sur le territoire européen dès 2015 pour ce qui concerne les paiements transfrontaliers et 2017 pour les transactions nationales, encore faut-il que les discussions s’achèvent avant les élections européennes de mai 2014.
Une harmonisation au niveau européen
Les CMI étaient jusqu’alors sujettes au bon vouloir des législateurs nationaux. Ainsi, elles peuvent passer selon les pays de 0,2 % à 2%. Certains commerçants en sont même arrivés à ne plus accepter les règlements par carte ! En France, les CMI sur les opérations par cartes de crédit atteignent 0,6% alors qu’ils peuvent être de 1,8 % en Allemagne. Elles sont quasi nulles en ce qui concerne les cartes de débit en Belgique ou au Danemark.
Bruxelles entend faire rentrer tout le monde dans le rang avec 2 taux uniques de 0,2 % pour les cartes de débit et 0,3% pour les cartes de crédit, applicables pour les opérations transfrontalières dans un premier temps et pour les opérations nationales 2 ans plus tard. C’est ce que certains états avaient anticipé lors de conflits avec les géants de la carte bancaire Visa ou encore Mastercard, ce dernier étant particulièrement remonté contre la Commission européenne et Michel Barnier.
Mastercard vs UE, l’UE vainqueur aux points
Le conflit entre Mastercard et l’Union Européenne au sujet des CMI ne date pas d’hier. Dès 2007, la Commission européenne interdisait à Mastercard les CMI pour les paiements transfrontaliers. Mastercard avait alors interjeté appel de la décision devant le tribunal de l’UE. La Cour de justice de l’Union européenne avait finalement donné raison en 2012 à la Commission européenne. Michel Barnier enfonce le clou alors que l’affaire est toujours en cours et Mastercard a été obligé courber l’échine par un communiqué de presse le jour même de la proposition, après s’être fendu dans la presse, notamment française, d’une campagne de lobbying très limite où Michel Barnier était visé personnellement.
Mastercard estime que cette proposition sera néfaste pour les consommateurs et petits commerçants et que les frais augmenteront, entrainant une diminution de l’utilisation de la carte bancaire aux profit des espèces. Quant aux associations de consommateurs, elles applaudissent bien entendu des deux mains cette proposition qui entend protéger les consommateurs européens.