Les deux tiers des Français n’ont aucune idée de quoi il s’agit ; et, parmi ceux qui en ont entendu parler, ils sont seulement 6% à pouvoir en donner une définition précise . Pourtant, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) ne s’est jamais aussi bien porté. Pour certains, c’est le signe de la moralisation de la finance ; pour d’autres, la preuve que l’ISR a vendu son âme au diable…
L’ISR : petite révolution au pays de la gestion d’actifs
C’est dans les années 1980 que les premiers fonds de type ISR voient le jour aux Etats-Unis. On est en plein apartheid ; des gestionnaires engagés veulent utiliser l’arme financière pour obliger l’Afrique du Sud à abandonner un modèle de société particulièrement inique. Ils s’inspirent du mouvement des Quakers qui, au 19ème siècle, refusaient d’investir dans l’armement et le commerce d’esclaves. Ils sont aussi influencés par l’activiste américain Leon Sullivan qui, en 1977, pose la première pierre de la responsabilité sociétale des entreprises.
C’est le début d’une nouvelle ère : l’investissement socialement responsable va se faire une place dans le monde feutré de la finance. Jadis, quand on voulait investir dans une entreprise, on se penchait sur ses liquidités, son ratio d’endettement ou ses marges bénéficiaires. Désormais, on évalue en plus ses performances éthiques, sociales ou environnementales.
L’ISR ? Ca marche !
Des Etats-Unis, la finance éthique va se propager à travers le monde, notamment en France qui devient rapidement le numéro 1 du marché européen de l’ISR. Avec 254 fonds dédiés , le secteur y est en pleine expansion et, en 2012, les encours ont frôlé la barre des 150 milliards d’euros . La demande est tirée par les investisseurs institutionnels (fonds publics, mutuelles, caisses de retraite), mais aussi par des particuliers soucieux de placer leur argent dans le respect de leurs valeurs.
La finance éthique, ce n’est pas automatique…
Il y aurait de quoi se réjouir si l’ISR ne ressemblait pas de plus en plus à une vaste opération marketing de la part de gestionnaires auto-proclamés socialement responsables…
En 2013, le Réseau Financement Alternatif a comparé le CAC40 et l’ASPI Eurozone, qui est composé des entreprises les plus performantes en matière de développement durable ; et il a constaté que les deux indices étaient identiques à 80 % ! Pas étonnant que l’on retrouve dans certains fonds ISR des pétroliers, des banques multinationales et même des entreprises figurant sur les listes noires des ONG !
Pour Gaëtan Mortier, analyste et auteur de La Finance éthique : le grand malentendu, l’ISR est devenu un investissement financier comme un autre … Au nom de la rentabilité, on récompense les entreprises se préservant du risque réglementaire plutôt que celles qui s’engagent dans des politiques approfondies, mais coûteuses de développement durable…
A quand une finance vraiment éthique ?
Dans un contexte de crise globale, il est temps que la profession balaie devant sa porte et qu’un label indépendant soit créé.
Car l’ISR est plus que jamais nécessaire et les Français sont demandeurs ! Aujourd’hui, 52 % d’entre eux accordent une place importante aux critères sociaux et environnementaux dans leur décision de placement ; et 19 % serait prêts à investir dans des fonds socialement responsables .
Comme le dit la chanson, il ne suffirait de presque rien…