Lors du lancement de Free Mobile en France, en janvier 2012, Xavier Niel avait clamé haut et fort ses réticences l’encontre des portables subventionnés. Cette formule, pratiquée par les opérateurs historiques (Bouygues Telecom, SFR et Orange) consiste à vendre aux consommateurs des portables à des prix extrêmement attractifs, en échange d’un abonnement pouvant s’étaler sur 12 ou 24 mois. D’après Xavier Niel, patron de l’opérateur, « la pratique actuelle qui mélange le prix du service, celui du terminal et une prétendue subvention est une façon de faire du crédit à la consommation déguisée sans se soumettre aux contraintes légales. Cela revient à pratiquer des taux d’usure de 300 ou 400 % que le consommateur ne voit pas ».
Afin de faire interdire cette pratique jugée illégale par les juristes de Free Mobile, Free Mobile avait porté plainte contre SFR en juillet 2012, l’accusant de « pratiques déloyales et trompeuses » et demandait pas moins de 30 millions d’euros pour le préjudice subi. Le tribunal de commerce de Paris n’a pas été du même avis, et a débouté Free Mobile de toutes ses demandes en janvier 2013. Free Mobile a même été condamné à verser 400 000 euros de dommage et intérêt à SFR.Free Mobile, que les longs combats judiciaires n’effraient pas, a pourtant décidé de ne pas donner suite au jugement, au profit d’un retournement de veste auquel personne ne s’attendait. Lors de l’annonce des résultats financiers du 19 mars 2013, les dirigeants de Free Mobile ont annoncé qu’ils souhaitaient modifier radicalement leur stratégie, et lancer une nouvelle offre de téléphones portables subventionnés…
Pourquoi Xavier Niel effectue un tel volte-face, au risque de perdre la confiance des consommateurs si chère à toutes entreprises, et en particulier à Free Mobile ? Certains analystes répondent à cette question en invoquant la faible part de marché que représente la téléphonie mobile sans terminaux (seulement 25% des cartes SIM sont vendues sans téléphone en France), stratégie que Free Mobile avait adoptée jusqu’à présent. Cependant, Free Mobile était parfaitement conscient qu’avec une telle stratégie, la majorité du marché allait lui échapper !
Je pense que Free Mobile, dont le bilan est déjà largement plombé par les investissements, ne souhaitait pas alourdir ses résultats en lançant une offre de portables subventionnés en 2012. En effet, cette pratique est très onéreuse pour les opérateurs téléphoniques, elle représente par exemple plus de 50 % des coûts d’acquisition de nouveaux clients chez SFR (soit 6% du chiffre d’affaire !). Au contraire, interdire les opérateurs historiques d’avoir recours à cette pratique en invoquant de pseudo raisons légales permettait à Free Mobile de jouer à armes égales avec ses concurrents, sans avoir à débourser un seul euro !
Le jugement prononcé par le tribunal de Paris n’ayant pas donné raison à Free Mobile, celui-ci a dû revoir sa copie et se résigner, contre toutes attentes, à lancer des portables subventionnés. Afin de ne pas faire tout à fait comme les autres, Free Mobile a laissé entendre que des « solutions originales » et « agressives » seraient trouvées pour proposer un modèle subventionné original. Reste à savoir comment Free Mobile va parvenir à apporter de la transparence à ce modèle qu’il n’a cessé de critiquer pour son opacité !