Un tiers des clubs de football professionnel français appartient à des investisseurs étrangers. Cette tendance qui s’intensifie depuis cinq ans provient de raisons facilement explicables mais n’est pas sans poser d’interrogations pour l’avenir de ces clubs passés sous pavillon étranger.
En France, il y a désormais treize clubs de football professionnel passés sous pavillon étranger. Depuis le rachat du Paris-Saint-Germain en 2011 par Qatar Sports Investment (QSI), d’autres clubs historiques ont été acquis par des capitaux étrangers. En Ligue 1, il faut ajouter l’OM et Bordeaux (Etats-Unis), Nice (Royaume-Uni), Lille (Luxembourg) et Monaco (Russie).
En Ligue 2, il y a Auxerre et Sochaux (Chine), Caen, Toulouse et Le Havre (Etats-Unis), Clermont-Ferrand (Suisse) et Troyes, tout juste racheté par les propriétaires du club anglais de Manchester City (Abou Dhabi) qui ont négocié les mois précédents, en vain, avec Nancy. Au total, un club professionnels français sur trois dépend aujourd’hui de capitaux étrangers.
Les raisons de cet intérêt pour le foot français sont multiples. Le sport demeure une vitrine et particulièrement le football, discipline la plus populaire au monde. Dans le cas des propriétaires qataris du PSG, l’acquisition du club de la capitale répondait à une logique de s’implanter en Europe pour positionner le pays sur l’échiquier mondial du football, dans la perspective de la Coupe du Monde 2022 qu’il va organiser.
Le foot français représente un terrain d’investissement propice
Depuis une dizaine d’année, le petit Etat pétrolier, cherchant à diversifier ses ressources pour moins dépendre de l’or noir, investit massivement dans le sport (foot, cyclisme, handball, athlétisme) et son arrivée à Paris résulte à la fois de cette tendance, des relations entretenues avec la France (notamment avec Nicolas Sarkozy qui a favorisé l’arrivée des Qataris au PSG) mais aussi de ses difficultés à s’implanter ailleurs.
La France représente un terrain d’investissement propice car il est difficile d’investir chez les voisins européens : l’Angleterre est inaccessible car ses clubs sont beaucoup trop chers aujourd’hui en raison d’une économie vertueuse basée sur des droits TV très importants qui ont fait basculer les Anglais dans une autre dimension.
En Allemagne, où le potentiel est immense autant en matière de public (les stades enregistrent de hautes affluences) que de droits TV, il est impossible légalement d’acheter les parts majoritaires d’un club.
En Espagne, l’endettement important des clubs constitue un inévitable repoussoir et enfin, en Italie, le dernier grand championnat européen, les infrastructures vétustes et la faible fréquentation des stades n’aident pas à favoriser l’investissement en dehors des grands clubs de Milan ou de Rome.
La France : un choix par défaut ?
La France serait donc presque un choix par défaut pour ces investisseurs étrangers qui ont toutefois remarqué une perspective d’augmentation des recettes avec la hausse des droits TV pour la période 2020-2024, dans le sillage de la locomotive PSG dont les stars mondiales (Neymar ou Mbappé) offrent une meilleure visibilité au championnat hexagonal.
Les investisseurs flairent aussi une tendance : les clubs français sont à la peine financièrement et leur mauvaise santé oblige les propriétaires à revendre à un prix plus bas pour se débarrasser du poids qu’ils représentent (M6 pour Bordeaux, Olivier Sadran et Newrest à Toulouse ou encore Louis-Dreyfus à Marseille).
Les investisseurs étrangers profitent donc de clubs à prix modérés en France et arrivent presque tous avec le même modèle (sauf le PSG, Nice, Monaco et l’OM qui dépendent d’un Etat ou d’un philanthrope) : faire du trading de joueurs ! C’est-à-dire recruter des joueurs très jeunes ou bien les faire sortir des centres de formation pour ensuite les revendre avec une grosse plus-value à des plus gros clubs. C’est aussi en cela que le foot français est attrayant pour l’investisseur : réputée pour sa formation, la France exporte chaque année de nombreux talents aux quatre coins de l’Europe.
Sauf que le système atteint vite des limites pour ces fonds d’investissement qui s’endettent d’abord pour acquérir le club et déchantent ensuite face à une réalité mal appréhendée : tous les investisseurs novices qui sont souvent des regroupements de plusieurs portefeuilles, n’ont généralement aucune culture foot et s’entourent de conseils plus ou moins fiables, avec des gens de réseaux venus pour jouer la carte de l’enrichissement personnel.
Mais l’avenir de ces clubs français demeure très incertain
En raison de l’incertitude du sport, d’une billetterie versatile, des variations des droits TV ou encore du climat de défiance des supporters, le club nouvellement acquis peut vite s’éloigner de ses objectifs de rentabilité et le propriétaire se doit de remettre de l’argent pour combler le déficit, comme ce fut le cas avec le fonds d’investissement King Street qui a dû dépenser 30 millions d’euros en juillet 2020 pour sauver Bordeaux.
Avec la crise de grande ampleur due au Covid-19 et les désillusions des nouveaux arrivants, l’avenir de ces clubs français demeure très incertain et nourrit de grands motifs d’inquiétude et pose une question qui reste aujourd’hui en suspens : que va-t-il se passer si les fonds d’investissement ne peuvent plus assumer les déficits ?
Photos : economiematin.fr/ francetvinfo.fr / eparisien.fr