Dans un contexte d’urgence climatique, l’aviation civile échappe à certaines contraintes comme la taxation du kérosène en vertu d’un accord datant de 1944. Certains Etats de l’UE souhaitent un changement rapide et envisagent une loi européenne pour fixer de nouvelles règles.
En 1944, lorsque l’aviation était loin d’être un transport collectif de masse, est signée la convention de Chicago qui instaure de règles internationales visant à organiser l’aviation civile pour les années à venir. On y applique la non-taxation du kérosène utilisé pour le transport aérien afin de promouvoir son attractivité et inciter les voyageurs à utiliser l’avion.
Soixante-quinze ans plus tard, en dépit des alertes environnementales et de l’explosion du trafic aérien, la convention n’a pas évolué sur ce point. Il existe bien quelques taxes qui dépendent de chaque pays : une TVA sur les vols nationaux, des taxes pour aider à la régulation du trafic aérien, une autre pour la sûreté des aéroports ou encore une d’aide au développement. Aucune, en revanche, ne concerne le volet écologique mis à part au sein de quelques pays (Pays-Bas, Japon, Brésil…) mais seulement pour les vols nationaux.
Les émissions de gaz devraient tripler d’ici 2050
Pourtant, de nombreux experts indépendants certifient que l’aviation civile est aujourd’hui responsable de 2 à 3 % des émissions de gaz à effet de serre. Un chiffre qui devrait tripler d’ici à 2050, les déplacements en avion ne cessant d’augmenter.
Seulement, les professionnels de l’aviation civile regroupés autour de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), ont réussi le coup de force de ne pas être intégrés parmi les objectifs des accords de Paris sur le climat. L’OACI, au lobbying féroce et à la réputation très opaque, promet de régler en interne l’enjeu environnemental et de fixer une feuille de route. On évoque des avions de moins en moins polluants comme le futur A340 d’Airbus équipé d’ailes laminaires qui favorisent un meilleur écoulement de l’air et donc une économie de carburant. Le constructeur européen et l’Américain Boeing martèlent qu’ils consacrent plus de trois-quarts de leur budget de recherche et développement à fabriquer des avions moins polluants. Aujourd’hui, les avions les plus éco-responsables qui circulent dans l’air consomment trois litres aux 100 kilomètres par passager.
Par ailleurs, l’OACI stipule que les compagnies sont tenues de financer des projets de lutte pour le changement climatique. Elles ne sont en revanche toujours pas contraintes à baisser leurs émissions de gaz à effet de serre. Une posture bien difficile à accepter pour tous les défenseurs de la cause climatique. Certains Etats qui sont précurseurs en matière de combat écologique souhaitent prendre les devants pour accélérer les changements.
Pays-Bas et Belgique en précurseurs
Dernièrement, les Pays-Bas, qui organiseront une conférence internationale sur ce sujet les 20 et 21 juin, ont affiché leur intention d’ajouter une taxe automatique de sept euros à chaque billet d’avion, peu importe la destination. Début mars, les Belges ont indiqué vouloir convaincre les 27 partenaires de l’Union européenne de mettre en vigueur ce type de taxes afin de moins inciter les gens à voyager par les airs. Le ministre wallon de l’Environnement, Jean-Luc Crucke, a noté comme incongruité que le train, moyen de transport plus écologique, est généralement davantage taxé que l’avion. En France, aucun projet de loi n’est prévu pour l’heure, certaines compagnies étant même largement subventionnées pour maintenir les vols nationaux.
En plus du manque de volonté de certains Etats à faire évoluer les lois, les pays moteurs du changement buteront sur un obstacle majeur, le lobbying de l’OACI. Avec l’émergence d’un trafic aérien intérieur de plus en plus important au sein de certains pays (Chine, Viet-Nam, Colombie…), le secteur est en pleine ébullition économique et propose donc des prix bas très attractifs du fait de la concurrence. Ne pas uniformiser mondialement la décision de taxer le kérosène pourrait créer des déséquilibres très importants entre les compagnies. Les moins pollueurs seraient alors les plus lésés, ce qui constituerait une hérésie dans ce contexte d’urgence climatique. Une loi européenne serait donc déjà un grand pas en avant en attendant mieux.