Les politiques publiques françaises de soutien aux énergies renouvelables ont permis des progrès notables mais demeurent largement inefficaces. C’est en substance ce qu’indique un rapport de la Cour des comptes de mars 2018. Les sages du palais Cambon pointent du doigt une stratégie incohérente dont les résultats sont bien en deçà des ambitions affichées et des dépenses engagées. Ce n’est pas la première fois qu’ils étrillent la France sur son action en faveur des énergies renouvelables ; un constat similaire avait déjà été dressé en 2013.
Le rapport de la Cour des comptes note une augmentation significative des capacités énergétiques renouvelables sur le territoire. Leur part dans la consommation finale brute d’énergie a également fortement progressé. En passant de 9,2 % en 2005 à 15,7 % en 2016, la France se situe dorénavant dans la fourchette haute parmi les pays de l’Union européenne. Toutefois, le rapport montre qu’elle a un retard substantiel sur la trajectoire qu’elle s’était fixée. En effet la part du renouvelable aurait dû ainsi atteindre les 18 % en 2016.
Des objectifs trop ambitieux
Les auteurs du rapport de la Cour des comptes incriminent des ambitions difficiles à réaliser. Quand l’Union européenne vise 27 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, la loi française de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un objectif de 32 %. À cela vient s’ajouter la nécessité affirmée au plus haut sommet de l’État de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique de 75 à 50 % d’ici 2025. Le renouvelable doit ainsi compenser cette diminution. Cette approche est considérée avec scepticisme par le palais Cambon.
Pour la Cour des comptes, la politique de la France conduit à certaines incohérences. Tout d’abord, le rapport montre qu’elle ne pourra pas réduire si rapidement ses capacités nucléaires dans mesure où le renouvelable sera insuffisant pour compenser. De plus, l’orientation prise fait passer la lutte contre le réchauffement climatique au second plan et active les mauvais leviers. La France, qui propose un mix énergétique très peu carboné, aurait dû ainsi concentrer ses efforts sur des énergies renouvelables thermiques se substituant principalement à des énergies fossiles émissives de CO2.
Des dépenses importantes mais peu d’effets
Le montant des dépenses engagées et des incitations fiscales octroyées pour développer les énergies renouvelables est également mis à l’index dans rapport de la cours des comptes. Les efforts de la France pour supporter l’éolien et le solaire ont coûté 5,3 milliards d’euros en 2016 alors que ces modes de production représentent une part mineure du mix énergétique français (respectivement 2 et 0,7 %). L’État paye par exemple chaque année jusqu’à deux milliards d’euros pour produire de l’énergie solaire. Ces dépenses cumulées pourraient dépasser les 38 milliards d’euros en 2030.
Malgré les dépenses, le rapport de la Cour des comptes montre les difficultés de la France à développer des acteurs de poids dans le domaine des énergies renouvelables. Dans un secteur en pleine essor, avec une croissance de 104 % entre 2006 et 2016, les industries françaises couvrent moins de la moitié de la valeur ajoutée des investissements sur le territoire. Ce constat est frappant dans les énergies renouvelables électriques (éolien et solaire) où la France pèse moins d’un quart de la fabrication, laissant la place aux Allemands et aux Asiatiques (90 % des panneaux photovoltaïques).
Encourager une stratégie cohérente et plus de concertation
La Cour des comptes propose deux grandes orientations pour la politique française sur les énergies renouvelables. Tout d’abord, le rapport invite à définir une stratégie cohérente et à clarifier les objectifs industriels dans le cadre de la révision prévue cette année de la programmation pluriannuelle de l’énergie. De plus, il conseille une plus grande transparence financière et davantage de coordination entre les professionnels de l’énergie et l’État. Il propose de créer un comité regroupant l’ensemble des acteurs impliqués sur le modèle du Conseil d’orientation des retraites.
Le rapport de la Cours des comptes met à jour les difficultés de la France dans sa transition vers les énergies renouvelables et apporte quelques arguments de poids à l’atome. À 33 euros le mégawat/heure, l’énergie nucléaire est bien plus compétitive que du solaire ou de l’éolien subventionnés (respectivement à 55 et 65 euros) et dont les coûts sont peu transparents. De plus, elle apporte à la France une certaine stabilité économique face à des énergies renouvelables dont la filière industrielle nationale est de surcroît particulièrement en retrait.