L’annonce aurait été incompréhensible il n’y a de cela que quelques années. Mais les temps changent, tout comme les marchés. Après des lustres d’opposition frontale, les deux entreprises ont donc fait bien plus qu’enterrer la hache de guerre : elles annoncent un partenariat destiné à renforcer leurs positions dans le secteur professionnel. Mais cela suffira-t-il à éclipser la concurrence ?
Dévoilé le 15 juillet, ce partenariat historique se concrétisera dès cet automne. Les deux entreprises s’engagent à créer conjointement plus de 100 applications dédiées exclusivement aux IPhones et IPads. Pour ce faire, IBM peut compter sur ses 5000 développeurs spécialisés dans les applications mobiles, et jusqu’à 100 000 employés devraient se consacrer à plein temps à ce partenariat. L’accent est aussi mis sur l’hébergement des données stockées sur le Cloud, qui sera optimisé pour les systèmes iOS. De plus, la firme pourra dorénavant revendre des terminaux estampillés Apple, et pourvus d’applications spécifiques au secteur d’activité de ses clients. De son côté, la marque à la pomme va créer une version spécifique de son programme d’assistance AppleCare, et se chargera d’interfacer toutes les nouvelles applications dans son prochain IOS 8.
Un marché hautement concurrentiel
Apple, dont le succès des appareils ne se dément pas auprès du grand public, peine à pénétrer un marché professionnel dominé par ses rivaux Samsung et BlackBerry. Le fabricant coréen, dont les téléphones et les tablettes jouissent de prix globalement plus attractifs que les produits Apple, possède aussi l’atout Android, son système d’exploitation facilement paramétrable et bénéficiant d’un grand nombre d’applications professionnelles. De son coté, BlackBerry reste leader sur le marché des entreprises, surtout outre-Atlantique, et demeure un choix prioritaire pour tous ceux qui privilégient une sécurisation des données. Enfin, Microsoft, longtemps à la traine avec des versions pas toujours abouties de son système Windows Mobile, entend bien rattraper son retard en misant sur une interopérabilité entre logiciels.
Faire face aux nouvelles habitudes
Les secteurs ciblés sont ceux de la santé, des télécommunications, de la banque et des transports. L’alliance entre les deux géants a aussi pour but aussi de marginaliser le BYOD, tendance qu’ont les employés à utiliser leurs smartphones personnels pour un usage professionnel. Cette pratique effraie de nombreux DSI[ii] en raison du manque évident de sécurité et de contrôle. En proposant des offres liées, IBM et Apple comptent mettre en avant des choix simples et attractifs, permettant de doter les salariés de terminaux sécurisés et facilement gérables par les techniciens. Avec, en perspective, une accélération des ventes. IBM, en s’investissant autant dans ce partenariat, tente de conjurer huit trimestres de baisse consécutive de son chiffre d’affaires, et se devait de réagir face à des concurrents tels que Google, Microsoft ou Amazon, de plus en plus présents dans les services aux entreprises. Quant à la firme de Cupertino, l’occasion est trop belle pour tenter d’évincer Samsung, BlackBerry et Microsoft.
Une alliance pour quels résultats ?
Ce partenariat est encore loin de faire d’Apple et d’IBM des leaders sur le marché professionnel. Même si Tim Cook y voit « une grande opportunité » pour Apple, et entrevoit « un potentiel énorme ». Le pari est pourtant difficile à gagner, et la concurrence ne saurait tarder à fourbir ses armes. BlackBerry chercherait aussi à former un partenariat avec un acteur majeur, afin de ne pas lâcher sa position prédominante. Quant à Microsoft, ses tablettes Surface et ses smartphones Lumia devraient renforcer sa présence dans le secteur professionnel. La guerre du Cloud, des terminaux et des applications est donc loin d’être terminée.