C’est désormais une certitude, le climat est bel et bien en train de changer, et les prévisions les plus pessimistes semblent se réaliser. Les conséquences de ce changement seront évidentes d’un point de vue géographique, géopolitique et en termes de biodiversité, annonçant de profonds bouleversements. La finance mondiale sera, elle aussi, impactée ; mais dans quelles proportions ?
Le rapport Risky Business
Publiée fin juin, cette étude n’est due ni à des scientifiques, ni à des organisations environnementales, mais à trois acteurs influents issus du monde des affaires. Ce qui en fait le premier rapport du genre, et suscite à la fois curiosité et intérêt de la part des observateurs. D’autant plus que les conclusions évoquées par Tom Steyer, Henry Paulson et Michael Bloomberg sont loin d’être optimistes. Le parcours de ces trois hommes donne encore plus de poids à cette initiative, car si Tom Steyer est issu du Parti démocrate, Henry Paulson a été secrétaire du Trésor sous George W. Bush. Et Michael Bloomberg, ancien maire de New-York, a pendant longtemps été membre du Parti républicain, avant de devenir indépendant. Tous ont en commun une brillante carrière dans les hautes sphères de la finance mondiale.
Le simple fait que des républicains et des démocrates, aux approches pourtant très différentes sur les questions environnementales, parviennent à s’unir pour rendre un rapport d’une grande cohérence souligne l’importance de la question. Pour établir leurs conclusions, les auteurs du rapport Risky Business se sont appuyés sur les travaux du cabinet Rhodium, spécialisé en recherche économique, et de la société Risk Management Solutions, chargée de modéliser des catastrophes pour le compte de grands assureurs.
Le changement climatique, un fait avéré
Il ne convient plus, à la lumière des données récoltées chaque année, de douter que le climat connait une profonde altération. Si le débat est encore vif concernant la responsabilité humaine, tous les chercheurs ne peuvent que constater que les températures augmentent inexorablement, provoquant la fonte de la banquise, la recrudescence de pics de chaleur, des inondations et des sécheresses. En Europe, la dernière décennie a été la plus chaude enregistrée depuis que des données météo sont collectées. Même constat aux Etats-Unis, où 13 des 14 années les plus chaudes jamais observées sont postérieures au début du 21e siècle. La température moyenne mondiale a connu une hausse de +0,65 °C sur la seule période 1956-2006. Les conséquences en sont d’ores et déjà visibles : fonte des glaciers, migrations ou extinction d’espèces animales, montée du niveau de la mer, cyclones plus fréquents et plus intenses, ou encore pratiques agricoles modifiées.
Des conséquences économiques très lourdes pour les Etats-Unis
Les répercussions négatives du changement climatique devraient impacter, selon les prévisions, au moins 40% de la population, des entreprises et des propriétés américaines. Les destructions liées aux tempêtes, aux inondations ou aux vagues de sècheresse risquent de couter entre 66 et 106 milliards de dollars d’ici 2050, et entre 238 et 507 milliards d’ici la fin du siècle. Le rapport, très complet, s’attarde sur les différentes sphères géographiques des Etats-Unis. Ainsi, le sud-est du pays, qui devrait être fortement touché par la montée des eaux et par une hausse brutale de ses températures, devra faire face à une augmentation des décès de l’ordre de 11 000 à 36 000 morts supplémentaires par an. La productivité des secteurs économiques s’exerçant en plein air, tel que le bâtiment, devrait chuter d’au moins 3%. La productivité et les rendements de l’agriculture, au niveau national, devraient aussi baisser de 4% d’ici 2050, et de 42% en 2100. Les milliards de dollars engloutis par le manque de productivité et par les catastrophes naturelles sont donc pires, selon les auteurs du rapport, que les crises financières qu’ont dû affronter les Etats-Unis jusqu’alors.
Et pour le reste de la planète
Si l’étude Risky Business ne s’intéresse qu’au cas des Etats-Unis, sa parution donne l’occasion de s’interroger sur les répercussions économiques mondiales dues au changement climatique. En Europe, les rendements agricoles devraient diminuer d’environ 10% avant 2080, les inondations et les incendies connaitre une forte recrudescence et la population être fortement impactée par des troubles de la santé. Les pertes liées au climat devraient alors se chiffrer à plus de 100 milliards de dollars par an. L’Afrique et l’Asie sont les continents les plus vulnérables aux changements climatiques, et si aucune étude précise n’en a pour l’instant évalué les conséquences économiques, les difficultés engendrées ne feront que se rajouter aux problèmes déjà existants. Pour ces pays, les effets se feront encore plus durement sentir que pour les zones développées. Les populations pauvres seront touchées de plein fouet, des vagues migratoires devraient se produire, des famines et des « guerres de l’eau » pourraient éclater.
Quelle attitude adopter ?
La publication et les conclusions de ce rapport sème donc le trouble dans les milieux financiers. Si les constatations et les études alarmistes sur le changement climatique ne manquent pas, aucune n’avait jusqu’alors aussi clairement pointé les couts économiques leur étant liés. Les données et les prospectives mises à disposition par Risky Business sont néanmoins basées sur des modèles qu’aucun scientifique ne saurait reconnaitre comme fiable à 100%. Les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), recommandent d’utiliser leurs prévisions avec la plus extrême des prudences. Mais le fait est que les bouleversements économiques dus à l’évolution du climat se chiffreront en centaines de milliards de dollars. Si le changement climatique est déjà bien engagé et que certaines de ses conséquences paraissent inéluctables, il est néanmoins urgent pour tous les décideurs de prendre des mesures draconiennes afin de se préparer au mieux à ces bouleversements. Malheureusement, les divergences sont nombreuses, et la date clé de la Conférence des Nations unies, qui se tiendra à Paris en 2015, s’approche sans qu’aucun consensus ne soit établi. Il y a pourtant urgence. Seule nouvelle à peu près rassurante : la Banque mondiale estime que la transition vers une économie plus verte pourrait entrainer une hausse du PIB mondial de 2,2% par an, d’ici 2030.