Le 5 Novembre 2013, l’Assemblée Nationale a adopté un projet de loi visant à « renforcer la poursuite et la répression des infractions en matière de délinquance économique, financière et fiscale ». Ce projet de loi, renforçant de manière significative les moyens des administrations fiscales aussi bien que douanières, constitue une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude fiscale initiée par le gouvernement en 2008 avec la création de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF).
Dans un contexte de restrictions budgétaires frappant la majorité des administrations, la taxation des fraudeurs constitue une manne inespérée pour le rétablissement des comptes publics. Le point principal du projet de loi, ou du moins le plus discuté, concerne les particuliers. En effet, le gouvernement s’est appliqué à largement alourdir les sanctions frappant les contribuables qui se soustraient à leurs obligations et ne s’acquittent pas de la totalité de leurs impôts.
La circulaire de Bernard Cazeneuve
À l’origine du renforcement du débat, l’ancien ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, qui avait fait passer en juin 2013 une circulaire précisant les conditions de régularisation des avoirs non déclarés à l’étranger. Cette circulaire stipulait que seuls les contribuables prenant l’initiative de déclarer de tels avoirs bénéficieraient d’un adoucissement de leurs sanctions. Une cellule spéciale à Bercy est dédiée au traitement des dossiers de ceux que l’on surnomme les « repentis du fisc », c’est à dire les particuliers choisissant de rapatrier leurs comptes en France et se mettre en ligne avec la loi plutôt que de risquer de se faire rattraper par le fisc.
Les contribuables s’étant eux-mêmes présentés devant la justice et souhaitant régulariser leur situation bénéficient certes d’un traitement de faveur, mais la loi est transparente : aucune dérogation n’est possible et le barème des pénalités est identique pour tous. Six mois après la circulaire, le centre des impôts du 19ème arrondissement de Paris comptait déjà plus de 15.000 dossiers, dont la majorité sont des héritages transmis dans la famille, ce qui consiste en une forme de fraude passive, moins pénalisée que celle qui consiste à cacher soi-même des avoirs à l’étranger.
Selon Bernard Cazeneuve dans une interview sur TF1 en février 2014, 2600 dossiers seulement étaient totalement traités et représentaient déjà près de 270 millions d’euros versés à l’État pour la régularisation des avoirs non déclarés à l’étranger. L’objectif du gouvernement, clairement affiché, est de récupérer 4 milliards d’euros d’ici 2017. Un objectif ambitieux, certes, mais qui semble de plus en plus réalisable. En effet, toutes les semaines, entre 100 et 150 nouveaux dossiers sont déclarés.
La tendance au retour des comptes non déclarés à l’étranger (dont plus de 80% proviennent de Suisse) est en partie due au durcissement des sanctions à la fois contre la fraude passive mais également contre la grande délinquance fiscale organisée. Certains délits peuvent mener jusqu’à 7 ans d’emprisonnement. Le risque est d’autant plus grand que les administrations fiscales se sont récemment dotées de moyens de traque plus importants. Par ailleurs, il émerge une volonté européenne de combattre l’exil fiscal : le gouvernement français s’applique à instaurer un accord d’échange d’informations entre tous les pays de l’Union Européenne.
La mise en place d’une liste européenne d’États collaborant entre eux pour traquer les exilés fiscaux et le récent durcissement des sanctions ont jusqu’à présent fait leurs preuves. Au vu des scandales se multipliant, la tendance à l’auto-dénonciation semble en plein essor et les beaux jours des exilés fiscaux semblent être révolus…